Ces chevaux qui réfléchissent

Plus on passe de temps avec les chevaux, plus on les trouve différents les uns des autres. Leurs caractères, leurs préférences, leurs habitudes, … mais également leurs manières d’apprendre.

Si pour certains chevaux le par cœur fonctionne très bien, pour d’autres il leur faut d’abord comprendre l’objectif pour pouvoir retenir l’exercice.

Pour certains la nouveauté est toujours suspecte, pour d’autres elle est d’emblée stimulante.

Un cheval qui est à l’aise pour apprendre par cœur se satisfera de répétitions régulières des mêmes choses, jusqu’à ce qu’elles lui semblent naturelles. Avec ce cheval, vous pourrez sans le blaser faire plusieurs séances de suite sur le même thème. Plus que cela, vous allez pouvoir répéter la même demande fréquemment dans la même séance et obtenir toujours une meilleure réponse. Non seulement il ne s’ennuiera pas, mais en plus il s’améliorera considérablement ainsi et sera rassuré par le fait qu’il sache ce qu’on attend de lui. Ce type de cheval est du genre qui n’apprécie pas beaucoup la nouveauté et la refuse net avant de se laisser convaincre par son cavalier (s’il est un peu doué).
Cela peut se traduire par une monture qui s’arrête d’elle-même au moment où vous demandez, ou qui prend la main, se traverse, évite l’exercice.

Pour les chevaux qui cherchent à comprendre l’objectif, la nouveauté ne leur fait pas peur. Ils proposent, ils tentent des réponses déjà connues. « C’est ça que tu veux? non? Ah, ça peut-être? », débordants d’enthousiasme, ils peuvent aussi stresser s’ils ne trouvent pas. Il faut donc décomposer et les laisser réfléchir, féliciter très fort quand la réponse est adéquate. Un tel cheval, s’il bloque sur un exercice, n’appréciera pas la répétition, se sentira frustré qu’on lui redemande quelque chose dont il n’a toujours pas compris la finalité. Il lui faut le temps de l’analyse. Quelques jours sans parler de l’exercice en question et soudain il vous le donnera avec une aisance déconcertante. Il a compris. Non seulement la réponse sera adaptée, mais elle sera d’une parfaite justesse. Avec ces chevaux, c’est un peu tout ou rien : soit ils bloquent vraiment et s’énervent, soit ils font une démonstration. Mais ce qui est merveilleux, c’est qu’avec de la patience et de l’écoute, ils finissent toujours par s’approprier l’exercice et faire leur numéro de premier de la classe.

Quand ils sont incompris, les chevaux « par cœur » sont brutalisés et ainsi se mettent dans le moule. Les chevaux « anti par cœur » sont considérés rapidement dangereux.

Compris et écoutés, ils sont tous passionnants. J’ai personnellement un petit faible pour les chevaux de la deuxième catégorie décrite aujourd’hui. J’aime cette surprise toujours intacte de constater après quelques jours de pause que le miracle a eu lieu, que l’exercice est non seulement accepté mais absolument compris… et voir le cheval se corriger de lui-même s’il a tardé à répondre par exemple.

Mais tous nous amènent à réfléchir et à faire preuve de psychologie.

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Apprivoiser

Un nouveau cheval entre dans votre vie, il agrandit votre famille.

Qu’il soit dressé ou non, en pleine forme ou non, doté d’un mental exceptionnel ou non, vous devez l’apprivoiser.

Ce n’est pas parce qu’un cheval développe ses gammes devant vous et réagit de manière adéquate à vos demandes, qu’il vous connait. Pas plus que vous ne le connaissez – quand bien même vous auriez appris par cœur son pédigrée.

Prendre le temps de l’observer, de venir le voir sans rien lui demander, le panser en liberté dans son pré, le toucher, lui parler, … pour le voir commencer à changer de regard. Il se met à vous observer à son tour, puis s’intéresse vraiment à vous, s’oriente par rapport à vos déplacements. Il est détendu, n’hésite plus à venir vous sentir un instant pour retourner brouter un peu plus loin, il a l’encolure basse quand il marche, …

Chaque cheval a ses petits témoignages d’affection et d’intérêt, chaque cheval doit être apprivoisé d’une manière et à un rythme qui lui correspond : le rassurer, le laisser respirer, le toucher, lui parler, lui donner à manger, le gratter… mais ce qui prime, c’est votre posture humble et surtout pas agressive ; ainsi que votre regard : tantôt droit dans les yeux avec un grand sourire, tantôt au sol pour éviter de provoquer une fuite… à vous de jouer de tout ce dont votre corps dispose pour communiquer.

Selon le vécu du cheval, cette étape peut prendre quelques jours comme quelques mois… voire années. Cela n’empêche pas d’interagir avec lui dans le travail, mais il serait logique et préférable que tout couple cavalier-cheval débute par une reconnaissance mutuelle avant d’entamer n’importe quel exercice. Après tout, ne parlons-nous pas de partenariat dans le travail? Et comment demander à un animal d’être un partenaire sans l’avoir jamais apprivoisé?

Gérer un cheval : rester zen sans être spectateur

Il s’emporte, il se cabre, il trottine, il paddocke, …

Plus vous serez calme, plus vous serez lucide.

Plus vous serez calme, plus vous serez confortable pour lui.

Mais il ne s’agit pas d’être inexistant, spectateur de la scène. Il faut agir avec à propos, dans un bon timing, de manière claire, logique, sans laisser le cheval monter en pression, grisé par son propre énervement.

Être zen dans la tête, mais vif dans les gestes, exigent, juste.

Dès que le cheval est calmé ou revient vers soi, on lui donne tout le confort possible, on oublie tout et on caresse, on reprend plus doucement, en décomposant au maximum car l’évènement passé nous a permis de mieux anticiper les écarts suivants.

L’épaule pour l’équilibre

L’épaule interne du cheval qui s’efface devant le mouvement de l’humain.

Plus de respect, plus de sécurité : on élimine le risque de se faire écraser les pieds.

Pour préparer l’envoi sur le cercle, pour travailler l’équilibre en douceur en abordant l’épaule en dedans.

Se grandir, pousser le cheval au niveau du passage de sangle et avancer vers lui comme si vous pouviez le traverser, pour le voir se déporter dans le mouvement, sans besoin de contact ni de tension.


L’enseignement

« Toute la compétence du cavalier tient dans la façon dont il programme une suite logique d’apprentissages. Plus ils sont judicieux, plus ils éveillent la curiosité du cheval et donnent un tour ludique à un travail dans lequel il se plait. » P. Karl

Cette citation veut dire beaucoup. On pourrait tout à fait l’appliquer aux enseignants : toute la compétence de l’enseignant tient dans la façon dont il programme une suite logique d’apprentissages.

Car enfin il ne sert à rien de s’escrimer à s’occuper du résultat final quand les bases ne sont pas là. Quel intérêt d’user d’artifices pour obtenir une attitude du cheval estimée « esthétique », lorsque le cavalier est instable et que le dos du cheval est contracté ?

Un enseignant consciencieux se préoccupera d’abord de vérifier que le cheval va bien physiquement et psychologiquement. Il cherchera à le comprendre en faisant lui-même sa connaissance.

Il s’attèlera ensuite à guider le cavalier pour qu’il fasse lui aussi de nouveau connaissance avec sa monture, à pied, afin de cerner les peurs, les doutes, les incohérences éventuelles du couple.

Après vient le temps de vérifier que le matériel est adapté au cheval, qu’il est bien positionné.

Ensuite l’enseignant vérifiera que le cavalier ne gène pas outre mesure son cheval une fois en selle. Si besoin, les premières séances ne viseront qu’à guider le cavalier à trouver sa place et à se faire discret en selle, quelle que soit l’attitude du cheval.

Vient ensuite le début du travail du cheval, où le cavalier peut prendre son rôle de guide à son tour. L’enseignant va l’aiguiller et lui donner les clés pour rendre le cavalier de plus en plus autonome, afin qu’il devienne à son tour le professeur de son cheval, en restant toujours à l’écoute des remarques de son élève, car enfin le cavalier reste humain et ne deviendra pas écuyer du siècle en quelques mois.

Voilà comment je vois l’enseignement de l’équitation et de la relation au cheval, comment je crois qu’il est bon d’aborder la chose et comment je m’efforce de travailler.

Rênes fixes et jeune cheval…

Depuis quelques années je croise beaucoup de propriétaires de jeunes chevaux à qui on a recommandé l’usage des rênes fixes pour travailler le loulou en longe.
Cet enrênement semble bénéficier d’une véritable bonne réputation, chose qui me semble absolument insensée… je vais tenter de m’expliquer.

Dans le cas d’une utilisation sur un mors :
Parce que fixées au surfaix et ayant une fonction encadrante, les rênes fixes ne peuvent être que positionnées basses. Donc l’action en bouche ne peut s’effectuer que sur les barres, chose non appréciable quand on cherche l’équilibre du cheval, l’engagement des postérieurs et l’élévation du garrot, en bref une attitude positive.
La main du cavalier étant absente, impossible d’adapter le contact selon les besoins du cheval (avancer légèrement les mains, faire vibrer les rênes pour décontracter mâchoire et nuque…). Le loulou va donc apprendre à se mettre en retrait par rapport au mors.
Selon comment elles sont réglées, la seule possibilité de venir en arrière du mors revient très vite à fermer l’angle tête-encolure, et voilà comment apprendre à un jeune à s’encapuchonner…
Si au contraire les rênes sont réglées longues, suffisamment pour que le cheval ait le chanfrein en avant de la verticale au pas, et bien quand il va faire sa transition montante au trot il va se compacter et donc perdre le contact dans la transition. Résultat : il a le droit à des à coups en bouche et apprend en même temps à fuir la main dans les transitions, on est bien loin du cheval qui apprend à livrer sa bouche 😉
Enfin combien de chevaux ont un mal fou à partir au galop en rênes fixes ? Tout simplement parce qu’ils ont besoin de s’étendre dans leur première foulée. Un cheval rassemblé n’aura certes pas ce souci, mais un jeune va tout simplement trouver la seule solution pour partir : se tordre tête à l’extérieure pour soulager son épaule interne et réussir à la passer malgré tout. On est loin du rôle du galop, qui étire tous les muscles côté extérieur et permet au cheval de s’assouplir : au contraire, on a un cheval qui se crispe dans le départ, généralement accompagné de sollicitations pas toujours cordiales de son humain, qui ne « voit pas pourquoi il ne part pas ».

Dans le cas d’une utilisation sur un side pull :
On évite dans ce cas les soucis avec la bouche, mais persistent ce problème de mettre le cheval sur les épaules et celui d’une perte de contact ou contact inadapté dans les transitions montantes.

En bref les rênes fixes sur un jeune, à mon sens, c’est à proscrire purement et simplement… même si ça donne une « jolie » attitude à votre élève…

Le stress du cheval : le minimiser, le gérer

Dans leur vie les chevaux ont plusieurs occasions d’être stressés : le sevrage, le débourrage, les déménagements, les accidents, les intempéries exceptionnels, les conflits avec l’humain…

Penser qu’on peut éviter tout stress à un animal d’une telle sensibilité et avec un tel instinct de survie est plutôt utopiste, à moins qu’il vive toute sa vie au même endroit, dans un pré sécurisé, à l’abri du vent et sans changement dans le troupeau… bon avouez que c’est quand même quasiment impossible.

Donc le Cheval stresse. Est-ce qu’il faut dramatiser, est-ce qu’il faut redoubler d’attention, est-ce qu’il faut le laisser tranquille…??

Si votre cheval est stressé à un moment précis, il doit rester conscient que vous êtes un référent. Dans des situations de peur, il est parfois besoin de lui rappeler sa place en marquant fortement les distances de sécurité, tout en restant très calme et donc rassurant. En bref : comportez-vous en leader et votre cheval vous considérera comme tel, puis se détendra grâce à votre présence.

Si votre cheval est très sensible et bondit tout le temps pour un rien, s’il fuit le contact, s’il réagit de manière excessive à tout ce qui l’entoure, c’est qu’il est dans l’incompréhension totale de ce qu’on attend de lui. Il ne peut pas du tout anticiper vos actes parce qu’il est perdu, donc il est surpris de tout.

Ce genre de situation nait de débourrages trop rapides ou maladroits, ou si le débourrage s’est bien passé, d’un travail bâclé / brutal par la suite.

Vous voulez que votre cheval soit rationnel dans ses réactions? Prévenez-le, habituez-le, reprenez les bases. Regardez-le, parlez-lui, touchez-le tout le temps et partout. En un mot, il faut l’apprivoiser.

On n’arrache pas les résultats à un cheval, il faut les mériter. Qu’un si bel animal, si puissant, nous offre une part de sa vie ne doit pas être considéré comme un dû avec sanction en cas de non coopération. Il faut que ce soit considéré comme un cadeau.

Mais attention, les Bisounours ne sont pas non plus mes amis !

Considérer leur participation comme un cadeau oui, mais il va de soi que tout ce qui touche à la sécurité doit être exigé. Et par là-même, en étant rigoureux sur la sécurité, vous devenez plus charismatique, vous prenez votre place de leader. Le cheval se sent donc en confiance en votre présence, il se contentera donc de cette place confortable de suiveur et cessera les provocations pour prendre le dessus. De plus, de la confiance naîtra la sérénité et vous n’aurez plus un cheval stressé, mais un partenaire fiable et attentif.

Le temps passe et restent les sensations

Une fois n’est pas coutume petit moment entre Fakir et moi.

Plus d’un an de pause pour que son corps se repose, son grand corps fatigué et malmené par ses jeunes années. Plus d’un an à se retrouver et puis la résurrection, grâce entre autres à l’intervention d’une ostéo extra.

Nous voilà repartis pour de nouvelles aventures,sur un rythme cool et toujours à son écoute, mais de quoi garder la musculature tonique pour ses vieux jours.

Fakir, 18 ans, passe de la retraite à la pré-retraite! 🙂

Fakir et moi 😉

Le Cheval, ce Thérapeute

Les coups durs de la vie, les moments de doute, la pression du quotidien…

Prendre le temps de parler à son cheval, de le regarder dans les yeux, d’échanger des caresses et le sentir veiller sur nous à sa façon, du poulain au vieux routard, de la jument désagréable au poney-peluche…

Arrêter de penser en tant qu’humain et se laisser faire par l’instinct et le langage corporel, laisser le cheval nous emporter, l’apprendre par cœur, laisser filer les émotions en suivant du doigt ses courbes, ses veines, les reflets sur sa robe.

Et se sentir soulagé, enfin, même si c’est éphémère. Et remettre ça aussi souvent que possible.